24e séminaire des directeurs de MDPH : témoignage de directrices

Publié le : 20 juin 2018-Mis à jour le : 05 juillet 2018

Mélanie Brovelli, directrice de la MDPH des Alpes-de-Haute-Provence, Françoise Ménès, directrice de la MDPH de Charente-Maritime et Anne Dauzon, directrice adjointe de la maison départementale de l’autonomie (MDA) de Mayenne nous parlent de leur métier de directrices et de ce temps fort de l’année.

Depuis combien de temps êtes-vous en poste ? Comment décririez-vous le métier de directeur de MDPH ?

F. Ménès : Il y a 10 ans, j’ai été nommée directrice de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) de l’Eure, puis en 2010, j’ai pris la direction de celle de Charente-Maritime, deux départements voisins, mais très différents. J’ai donc connu les premières années des MDPH, c’était un peu comme des start-ups ! Les directeurs de MDPH ont écrit un mode d’emploi en s’appuyant sur les classeurs de la CNSA et le vade-mecum de la DGCS. D’ailleurs, les équipes des MDPH ont conservé cet état d’esprit : être dans l’invention permanente, être réactives, inventives, tout en respectant des procédures particulières. Les MDPH sont très souvent pilotes et à l’origine de beaucoup de choses.
Le directeur de MDPH c’est à la fois un patron de PME et un inventeur, car, comme aux échecs, il faut avoir un ou deux coups d’avance pour ne pas être submergé.

M. Brovelli : C’est vrai. Ce poste demande beaucoup de polyvalence. On peut passer d’une question de ressources humaines à la gestion de la situation d’une personne handicapée. On fait parfois le grand écart entre des problématiques très stratégiques et un accusé de réception de dossier de demande qui ne serait pas parti. C’est justement ce contact permanent avec les personnes ou leur famille qui donne beaucoup de sens et d’utilité à ce poste. J’adore ce métier, c’est un poste très intense, je me suis parfois un peu essoufflée, mais en 5 ans d’exercice, je ne me suis jamais ennuyée !

A. Dauzon : Ce métier c’est vraiment celui d’un chef d’orchestre qui « joue une partition » pour les usagers, pour rendre un service de qualité aux personnes âgées et aux personnes en situation de handicap (NDLR : les services personnes âgées et personnes handicapées de la MDPH et du conseil départemental de la Mayenne sont mutualisés à la maison de l’autonomie). « Notre orchestre » se compose des professionnels de la MDPH aux métiers très variés, des acteurs locaux, comme les ESMS, et nous participons et mettons en œuvre la politique autonomie définie par les élus. Le poste de directeur ou de directeur adjoint de MDA  est un métier chargé de sens, passionnant, parce qu’il nous amène à travailler avec de nombreux partenaires au service du public.

L’environnement actuel est marqué par de fortes exigences vis-à-vis des MDPH de conjuguer performance et qualité de service, réponse rapide au plus grand nombre et individualisation des réponses. Comment abordez-vous ces changements ? Quel rôle spécifique a le directeur dans ce contexte ?

F. Ménès : Avec le recul, on s’aperçoit que les MDPH ont a toujours été dans un contexte mouvant depuis 10 ans. Le statut du GIP a été remis en question, le travail des MDPH a été remis en question. En 2008, il a fallu mettre en place la prestation de compensation pour les enfants en 2 mois… Le contexte est toujours difficile. C’est pour cette raison que je disais tout à l’heure que nous devons anticiper sans arrêt. Je regrette seulement aujourd’hui l’absence de reconnaissance du travail réalisé par les MDPH, car on vient de loin avec les COTOREP. Les équipes et les directeurs se sont mobilisés pour que les choses progressent.

Nous devons être très vigilants sur la gestion du personnel, veiller à ce que nos collaborateurs ne se démobilisent pas, les faire participer aux réflexions en cours, les entrainer dans les projets.

Dès 2012, nous avons travaillé à un projet de service de la MDPH de Charente-Maritime. C’était très difficile au début, mais nous nous sommes appuyés sur les compétences et les idées des équipes et nous en tirons les bénéfices à présent. Cela nous a par exemple permis d’être parmi les premières MDPH à boucler notre autodiagnostic (NDLR : évaluation du fonctionnement et de l’organisation de la MDPH au regard des objectifs du référentiel de missions et de qualité de service (RMQS). Le bureau de la Comex s’est lui aussi beaucoup impliqué dans ce diagnostic.

A. Dauzon : Notre ressource première c’est la ressource humaine. Il faut embarquer, mobiliser nos collègues pour relever tous les défis : inclusion sociale, transformation numérique, réponse de qualité dans des délais raisonnables , mais aussi les accompagner. C’est essentiel, c’est au cœur de notre rôle de manager.
Nous souhaitons donc élaborer un projet de direction pour réaffirmer le sens, les valeurs de nos missions et partager ce projet avec nos équipes, puis le décliner au sein de chaque service.

M. Brovelli : Tous ces changements en faveur d’une individualisation des réponses vont dans le bon sens. Notre administration est très complexe, pointilleuse, parfois déconnectée des besoins des personnes et qui aurait tendance à les mettre dans des cases.
Cela a beaucoup de sens de sortir du simple droit et d’évaluer les besoins de la personne. C’était déjà l’idée du GEVA, mais avec la démarche « réponse accompagnée pour tous » on va encore plus loin. Résumer la personne à une orientation médico-sociale n’a pas de sens. Derrière, de nombreuses questions se posent. On ne peut pas se contenter d’être une administration qui accorde ou non des droits.

Dans ce contexte, le directeur doit donner le cap, rassurer les équipes, traduire tous ces termes complexes : SI TC, SI SDO… Il faut faire des propositions, toujours y croire, ne jamais paniquer. Le séminaire des directeurs c’est un peu la soupape, l’endroit où en échange avec nos collègues.

Tous ces changements sont passionnants, car le directeur a une large latitude, mais c’est parfois délicat de conduire ces projets, par exemple le système d’information commun, avec d’autres administrations auprès desquelles on n’a pas de légitimité. J’ai l’impression que seule la CNSA croit vraiment en nous et nous soutient. Tout le monde n’a pas la même vision de l’importance d’une MDPH. Je m’inquiète de notre capacité à être un acteur reconnu dans la globalité des politiques sociales.

F. Ménès : Tout à fait. Je suis surprise, car personne ne se pose la question de l’équité de traitement du RSA, de l’APA… On focalise sur les MDPH alors qu’on est très en amont sur le sujet et que beaucoup de MDPH travaillent en gestion électronique. Qui l’a fait pour d’autres prestations ? La CAF oui, mais avec des moyens qui n’ont rien à voir. Même chose pour les délais de réponse et la complexité des procédures. Essayez de demander une nouvelle carte d’identité, de voter par correspondance, ce n’est pas simple !

C’est important que la CNSA dise « vous n’êtes pas parfaits, mais beaucoup d’efforts sont fournis ».

Certaines grosses MDPH ont récupéré jusqu’à 2 ans et demi de dossiers en retard de leur ancienne COTOREP. Avec la démarche « réponse accompagnée pour tous », on nous demande de nous occuper de tout de A à Z, mais avec quels moyens ? Depuis 3 ans, la MDPH de Charente-Maritime a un observatoire et fait la police des admissions. On informe l’ARS, le département. Cela devient fatigant.

Qu’attendez-vous de l’action de la CNSA ? L’appui de la Caisse correspond-il à vos attentes ?

M. Brovelli : J’apprécie la qualité d’écoute et ce lien direct que nous avons avec la CNSA, avec tous vos experts. Même si c’est parfois chronophage, j’apprécie aussi que nous soyons associés aux groupes de travail, que ce soit sur le système d’information commun ou pour l’élaboration de guides techniques... C’est une chance, mes collègues de l’ASE ou de la PMI n’ont pas ce support intellectuel et technique au quotidien.

F. Ménès : Il faudrait davantage accompagner les directeurs de MDPH dans leur prise de fonctions –avec un guide, un appui tutoral -, car les choses sont de plus en plus complexes.
Ensuite, nous aurions besoin d’outils supplémentaires, notamment de gestion : qu’est-ce que je dois faire ? Quand ? Réunir dans un calendrier type les différentes échéances (rapports d’activité…). Quel modèle de présentation de compte en comptabilité générale ?

A. Dauzon : Oui, la CNSA pourrait nous épauler dans la sécurisation juridique et l’outillage des Comex.L’appui des services juridiques du département peut être sollicité toutefois, , nous manquons d’outils, de références sur les documents produits en Comex, d’outils d’organisation et de gestion des agents GIP…

Comment percevez-vous le séminaire des directeurs de MDPH ? En quoi vous est-il utile ?

A. Dauzon : C’est très enrichissant et adapté à notre quotidien. Les séquences d’actualité nous permettent de mettre à niveau nos connaissances sur les réformes, les sujets du moment. Et c’est aussi très pragmatique. La CNSA a ce souci de nous apporter une expertise, un appui technique, des éclairages au plus près de nos réalités de terrain. C’est au dernier séminaire que j’ai pu entendre Mme Ménès et je me suis dit « il faut absolument qu’on aille la rencontrer  et voir comment fonctionne la MDPH 17 ».

M. Brovelli : Ce réseau des directeurs de MDPH est une richesse inouïe. Il y a une forme de solitude dans le poste de directeur, on ne peut pas tout dire aux équipes. Au cours de ce séminaire, on peut échanger avec les autres directeurs ; il y a beaucoup de bienveillance entre nous, aucune concurrence. On souhaite que cela fonctionne bien dans chaque département.

A. Dauzon : On s’aperçoit qu’on partage les mêmes questions, les mêmes difficultés. Les uns et les autres actionnent des outils auxquels on n’aurait pas pensé.

F. Ménès : Je me sers beaucoup du séminaire pour sentir « l’air du temps », cerner les enjeux, anticiper les prochains changements. C’est important de pouvoir rencontrer la secrétaire d’État en charge du handicap, les grandes administrations, même si on est parfois insatisfaits de ce que l’on entend, cela me permet de construire un après.

Mais il ne faut pas que des séances plénières descendantes, le plus de ces séminaires, c’est vraiment les temps d’échange, de partage de bonnes pratiques avec les autres directeurs. On ne peut pas être bons partout donc il faut que les collègues partagent !

Rendez-vous bisannuel, le séminaire des directeurs constitue un temps fort entre la CNSA, les directeurs de MDPH et leurs partenaires. Il est central pour l’animation de réseau, permettant à la fois de partager les actualités nationales, de préparer aux réformes à venir et d'accompagner les directeurs dans leurs missions spécifiques de pilotage et de management.

Au travers du séminaire, le réseau des directeurs se veut une organisation auto-apprenante qui permet l'émulation et l'entraide par les pairs.

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