Le recours aux soins des personnes fragiles

Publié le : 03 mars 2015-Mis à jour le : 21 juillet 2017

Nicolas Sirven, maître de conférences à l’université Paris 5 Descartes (LIRAES EA 4470) et chercheur associé à l’IRDES, a mené plusieurs travaux sur la fragilité. Il revient sur le dernier en date qui avait pour objectif de mieux connaître les comportements de recours aux soins des personnes fragiles.

Qu’est-ce que la fragilité ?

C’est un état de vulnérabilité aux chocs externes, qui peuvent amener à un risque de décompensation fonctionnelle, de perte d’autonomie, d’institutionnalisation ou de décès.

La fragilité peut être détectée en population générale avec de simples questions posée à la personne âgée sur ces limitations fonctionnelles ou en lui faisant passer quelques tests physiques. Ces mesures correspondent aux cinq dimensions de la définition de Linda Fried : fatigue ou mauvaise endurance, diminution de l’appétit, faiblesse musculaire, ralentissement de la vitesse de marche, sédentarité ou faible activité physique.

A la base, la fragilité est un concept médical, mais elle implique bien souvent des réponses qui ne sont pas uniquement médicales (aménagement du logement, pratique d’une activité physique, etc.).

La détection de la fragilité ouvre deux portes :

  • L’identification de populations vulnérables pour lesquelles on a besoin d’outils d’évaluation de leur perte d’autonomie. Cela rejoint les travaux sur la révision des ordonnances PATHOS et des grilles de fragilité développées entre autres par la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés et la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés, la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole et le Régime social des indépendants.
  • La mise en œuvre de politiques de prévention de la perte d’autonomie : en intervenant suffisamment tôt, on peut retarder ou éviter la survenue des incapacités.

D’un concept médical, on passe donc à une dimension médicoéconomique, de protection sociale.

En quoi ont consisté vos travaux ?

Nous voulions mieux connaître les comportements de recours aux soins des personnes fragiles.

Nous disposons actuellement de différentes données sur la mesure de la fragilité, la perte d’autonomie, la consommation de soins des personnes fragiles, mais nous n’avions pas de vision complète. Je m’explique. L’enquête sur la santé, le vieillissement et la retraite en Europe SHARE, que cofinance la CNSA, comporte des variables longitudinales pour mesurer la fragilité des personnes de plus de 50 ans, la perte d’autonomie et le caractère socio-économique de la perte d’autonomie, mais elle ne permet pas de mesurer la consommation de soins des personnes fragiles. Parallèlement, l’enquête santé et protection sociale (ESPS) de l’Irdes fournit des informations sur la consommation de soins, des données socio-économiques, mais rien sur la fragilité.

Nous souhaitions mesurer la consommation de soins des personnes fragiles. Les données déclarées de SHARE donnaient un premier aperçu de cette relation, mais n’étaient pas suffisantes. Nous avons donc complété le questionnaire de l’enquête ESPS 2012 pour introduire des mesures de la fragilité, puis nous avons apparié ces données avec les fichiers de l’assurance maladie. C’est pour ce volet de recherche que nous avons bénéficié du soutien de la CNSA.

Pourquoi avoir mené ces travaux ?

La population française est vieillissante, et cet allongement de la durée de la vie est parfois synonyme de perte d’autonomie. Si nous connaissons mieux les mécanismes qui conduisent à cette perte d’autonomie et que nous savons évaluer les dépenses de soins qu’elle engendre, nous pourrons mettre en œuvre des politiques de prévention et d’accompagnement de la perte d’autonomie efficaces.

Que faut-il retenir de vos travaux ?

L’enquête a permis d’estimer que les personnes fragiles dépensent 2000 € de plus par an, pour couvrir leurs frais de santé ambulatoires, que les personnes âgées non fragiles qui ont un état de santé comparable. Cela confirme donc la nécessité de conduire une véritable politique de prévention de la perte d’autonomie. La fragilité peut dans ce cadre, jouer un rôle important dans la mise en place de parcours de soins plus efficaces.

Ailleurs sur le web

Fragilité et prévention de la perte d’autonomie. Une approche en économie de la santé. Questions d’éco. de la santé n°184 (pdf, 583.13 Ko)Mesurer la fragilité des personnes âgées en population générale : une comparaison entre les enquêtes ESPS et SHARE. QES n°199
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