Dispositif intégré handicaps rares : quels enseignements tirer de la première année de déploiement ?

Publié le : 14 janvier 2016-Mis à jour le : 09 février 2016

La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) et le Groupement national de coopération handicaps rares (GNCHR) co-organisaient mardi 12 janvier 2016, en présence de Ségolène Neuville, secrétaire d'État chargée des Personnes handicapées et de la Lutte contre l'exclusion, la journée « Défis et enjeux de la coopération des acteurs au sein du dispositif intégré handicaps rares ». L’occasion pour les acteurs du secteur de mettre en débat les enseignements tirés de la première année de déploiement de ce dispositif.

La journée nationale « Défis et enjeux de la coopération des acteurs au sein du dispositif intégré handicaps rares » a réuni, mardi 12 janvier, plus de 320 participants représentatifs des familles, associations, centres nationaux de ressources pour les handicaps rares (CNRHR), équipes relais handicaps rares (ERHR), établissements et services sociaux, médico-sociaux, sanitaires, institutionnels (agences régionales de santé – ARS, maisons départementales des personnes handicapées – MDPH), et acteurs de la formation et de la recherche (centres régionaux d'études, d'actions et d'informations en faveur des personnes en situation de vulnérabilité – CREAI, instituts régionaux du travail social – IRTS).

Cette journée intervient au moment où le projet « une réponse accompagnée pour tous » mobilise sur les vingt-six territoires pionniers l’ensemble des acteurs et des partenaires engagés dans l’accompagnement des personnes en situation de handicap rare.

À cette occasion, Ségolène Neuville, secrétaire d'État chargée des Personnes handicapées et de la Lutte contre l'exclusion, a signé la convention d’objectifs et de moyens entre le GNCHR, la CNSA, les associations gestionnaires des CNRHR et les ARS de leur région. Cette convention, inscrite en 2014 dans les objectifs de la conférence nationale du handicap, garantit au GNCHR les moyens pour animer la coopération entre les membres du dispositif. Elle est un élément essentiel pour soutenir la mise en œuvre de cette dynamique croisant expertises territoriale et nationale et pour répondre au mieux aux besoins des personnes en situation de handicap rare et de leurs proches.

Avec la mise en place des douze équipes relais handicaps rares (ERHR) sur le territoire, l’année 2015 marque un tournant dans la mise en œuvre du dispositif intégré handicaps rares. La mission de ces nouvelles équipes, en complémentarité des quatre CNRHR, est de mieux répondre aux besoins des personnes en situation de handicap rare en apportant un appui à l’évaluation de leur situation et en facilitant la coopération entre les acteurs.

À partir d’exemples concrets et grâce au croisement de regards entre parents et professionnels de différents secteurs, chaque table ronde a ainsi évoqué un axe essentiel de ce travail de coopération :

  • l’enjeu de la coopération entre ressources pour une approche globale et interdisciplinaire ;
  • l’enjeu de l’information partagée et de l’adoption d’un langage commun ;
  • l’enjeu de la formation pour développer une compétence collective et accompagner l’évolution des changements de pratiques ;
  • les situations de handicap rare et complexe amènent à une posture professionnelle qui s’appuie sur « la pédagogie du doute et du questionnement » ;
  • les perspectives à venir pour le dispositif intégré handicaps rares.

Pourquoi un dispositif intégré pour les handicaps rares ?

Les situations de handicap rare sont souvent méconnues, isolées et difficiles à appréhender. Elles se caractérisent par une rareté des combinaisons de déficiences, des publics et une complexité des technicités pour leur évaluation et leur accompagnement. Chacune de ces situations amène à construire une réponse individualisée pour la personne et son entourage, à partir d’une logique qui part de la façon spécifique d’être au monde de cette personne, de ses capacités singulières dans son environnement.

Les acteurs concernés ne détiennent pas toutes les compétences et les ressources nécessaires pour apporter une réponse globale aux besoins de la personne en situation de handicap rare. Un des principaux enjeux du dispositif intégré est ainsi d’accompagner les personnes dans l’expression de leurs choix et de leurs décisions de vie pour que ce projet soit porté par l’ensemble des professionnels. Il ne s’agit pas ici d’une juxtaposition de réponses, d’évaluation, de bilan, mais bien d’une démarche croisée, interdisciplinaire et cohérente, en tout premier lieu pour éviter l’errance des familles et l’inadaptation des accompagnements.

La valeur du travail des professionnels se situe dans la qualité de ce qu’ils peuvent apporter et faire, en cohérence et en articulation avec ce que d’autres vont pouvoir apporter.

Cette méthode innovante amène à des évolutions en termes d’organisation et de pratiques professionnelles. Le principe de dispositif intégré passe nécessairement par des étapes de construction, une adhésion des acteurs à des pratiques et des principes communs, mais également à la mise en place de modalités et d’outils de travail partagés.

L’enjeu de la coopération entre ressources pour une approche globale et interdisciplinaire

La construction de dynamiques coopératives permet une réelle approche globale et interdisciplinaire des besoins de la personne à partir de deux actions :

  • la consultation spécialisée multidisciplinaire pour les patients atteints du syndrome de Wolfram à Montpellier :

Issue d’un travail en réseau entre le centre de référence des affections sensorielles d'origine génétique de Montpellier et l’équipe relais handicaps rares (ERHR) du Languedoc-Roussillon, en lien avec une association de patients, cette initiative illustre l’intérêt d’une approche croisée sanitaire et médico-sociale pour les patients et les professionnels. Elle démontre également l’intérêt d’une réflexion partagée dès l’élaboration du projet ;

  • la présentation de la démarche de coopération en construction entre le CNRHR La Pépinière et l’ERHR Nord-Ouest :

La complémentarité, l’articulation et les apports réciproques des CNRHR et des ERHR sont au cœur du dispositif et nécessitent des ajustements, une reconnaissance des compétences de chacun, mais aussi des modalités et des organisations de travail pertinentes posant la coopération et l’interdépendance entre CNRHR et ERHR comme enjeu essentiel pour apporter une réponse de qualité.

L’enjeu de l’information partagée et de l’adoption d’un langage commun

Cette table ronde était l’occasion pour les intervenants de rappeler l’enjeu central de l’information et de l’utilisation d’un langage commun pour une meilleure cohérence d’intervention, mais également pour assurer la continuité du parcours de la personne en situation de handicap rare. Enjeu qu’intègre pleinement le dispositif intégré.

Les relations et les échanges entre MDPH et familles, équipes relais et centres nationaux de ressources, établissements et services médico-sociaux ou sanitaires sont particulièrement importants pour faciliter les transitions et éviter les ruptures de parcours.

Le guide d'évaluation des besoins de compensation de la personne handicapée (GEVA) est, à ce titre, un outil de référence des MDPH pour faire le point sur la situation globale de la personne et évaluer ses besoins de compensation. Il est également au cœur d’une stratégie globale d’intervention au service de l’usager. On évoque alors la GEVA-compatibilité.

Cette table ronde a permis aux acteurs d’échanger sur les moyens de parvenir à ce langage commun.

L’enjeu de la formation pour développer une compétence collective et accompagner l’évolution des changements de pratiques

Les situations de handicap rare nécessitent, de par leur complexité et leur singularité, la mise en complémentarité des savoirs et des compétences qui croisent différents registres : le savoir des parents, des personnes en situation de handicap, des professionnels et des spécialistes.

Cette table ronde a mis en évidence, à partir de trois types d’expérience (l’expérience de formation conduite par les associations de personnes, la formation action développée par les CNRHR avec les établissements et l’expérience d’un réseau), que les situations de handicap rare nécessitent, en complément de compétences individuelles, le développement d’une compétence collective. Celle-ci apporte les repères et les principes d’action pour que les acteurs soient en capacité d’intervenir en coresponsabilité au sein du dispositif intégré. Au-delà des schémas d’intervention classiques, et en collaboration avec d’autres, y compris les familles, ces professionnels construisent ainsi des solutions innovantes. Le dialogue entre les savoirs scientifiques, professionnels et issus de l’expérience de vie personnelle, produit une connaissance et des méthodes d’action et d’intervention plus riches et respectueuses de la personne.

Les situations de handicap rare et complexe amènent à une posture professionnelle qui s’appuie sur « la pédagogie du doute et du questionnement »

L’expertise à propos de situations très spécifiques de handicap rare ou complexe se construit par une intrication de savoirs, d’expériences et de pratiques. Des savoirs constamment mis en interrogation. Comment accepter de ne pas savoir ? Comment s’adapter pour éviter la souffrance psychique surajoutée ou des effets iatrogènes ? Comment s’ajuster au mode de communication de la personne en situation de handicap rare pour mieux la comprendre et repérer ces besoins ? Le débat a fait émerger plusieurs enjeux quant à la légitimité et à la reconnaissance réciproque des savoirs : ceux des parents, ceux des professionnels, ceux des experts et la nécessaire pédagogie du doute et du questionnement.

Perspectives à venir pour le dispositif intégré handicaps rares

Cette journée était l’occasion, pour les acteurs du secteur, de partager leurs réflexions et leurs  expériences. Elle a également permis d’identifier certains défis majeurs que devra relever le dispositif intégré dans les prochaines années : le travail de partenariat avec les MDPH et les acteurs sanitaires, les nouvelles pratiques professionnelles et l’amélioration et la diffusion des connaissances.

La connaissance de l’ensemble des ressources au niveau national et par interrégion est une attente très forte des parents, mais aussi des professionnels. L’année 2016 verra ainsi se mettre en place le système d’information partagé renvoyant vers un répertoire des établissements et services médico-sociaux, mais aussi des différents acteurs susceptibles d’apporter une part de réponse aux situations de handicap rare. Cette base de données nationale permettra de mieux analyser les situations de handicap rare et leur lien avec des configurations de déficiences, avec certaines pathologies, ou maladies rares (ressources sanitaires, qu’elles soient somatiques ou de santé mentale, mais aussi ressources sociales, essentielles pour les personnes à domicile). Ce système d’information partagé relève de la mutualisation du travail de connaissances des CNRHR et des équipes relais, en lien avec le GNCHR.

© Ministère des Affaires sociales de la Santé et des Droits des femmes

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