« MAIA : ce n’est pas l’affaire d’un pilote, mais de la coopération des partenaires du territoire »

Publié le : 14 février 2017-Mis à jour le : 07 août 2018

Rencontre avec Nzhate Boungzate, pilote MAIA Paris Sud, depuis 2012 et membre de l’équipe d’animation du collectif des pilotes MAIA.

En quoi consiste votre fonction ?

La fonction de pilote est définie précisément dans le cahier des charges MAIA. Elle consiste à mobiliser tous les partenaires du territoire d’intervention MAIA de façon à ce qu’ils travaillent dans un esprit de coresponsabilité et facilitent le parcours des personnes âgées en perte d’autonomie et de leurs aidants.

Paris est divisé en 6 territoires identiques pour les CLIC, les services de gestion de cas MAIA et les réseaux de santé gériatriques ou pluri thématiques. Il y a donc une vraie cohérence d’action. Les partenaires se connaissent. Travailler ensemble est une évidence pour eux. C’est notamment le résultat de l’animation territoriale des CLIC. C’est une chance ! Mon rôle est de nous faire franchir à tous la marche entre coordination des services et intégration des services.

MAIA Paris Sud
Le territoire MAIA Paris Sud couvre les 13e et 14e arrondissements de Paris. On y recense plus de 73 000 personnes âgées de plus de 60 ans pour environ 325 000 habitants. L’offre de services sociaux, médico-sociaux et sanitaires y est riche (70 partenaires pour la seule instance de concertation tactique).

Pour atteindre cet objectif, nous avons deux outils : une connaissance fine de nos « voisins » partenaires et la mise en place du guichet intégré. Mon ambition est que demain, tous les partenaires sachent d’une part, identifier les ressources qui les entourent de manière très fine, d’autre part, réaliser une analyse multidimensionnelle de la demande de la personne âgée.

Puisque chacun saura qui est l’autre, à quel public il s’adresse, avec quels moyens, il pourra orienter la personne âgée ou son aidant vers le bon partenaire. Il ne s’agit pas de donner une simple liste de coordonnées à la personne qui appellera les numéros les uns derrière les autres. Par exemple, si une personne âgée se présente et que j’identifie un problème de nutrition et si, par ailleurs, je sais que les professionnels d’un service à domicile du territoire ont suivi des formations sur la dénutrition des personnes âgées, j’orienterai la personne plutôt vers ce service. C’est tout l’intérêt de la connaissance fine des partenaires.

Je vais aussi vous illustrer, par cet exemple, les enjeux du guichet intégré et de l’analyse multidimensionnelle de la demande. Si tous les partenaires d’un territoire interrogent la personne âgée sur sa santé, son autonomie fonctionnelle, son lieu de vie… — et c’est l’intention de la méthode MAIA — alors ils seront en mesure d’orienter la personne vers le(s) service(s) adapté(s) qui répondra(ont) à l’ensemble des besoins. Ils raccourciront son parcours.

Revenons à mon exemple et caricaturons-le. Cette personne âgée qui présente un problème de nutrition. Si elle s’adresse à un service de portage de repas, le service répond à la demande en mettant en place le portage de repas. Si elle s’adresse à un service d’aide à domicile, il proposera une aide humaine qui l’aidera soit à préparer soit à prendre ses repas. Le CCAS, lui pourra interpréter la demande comme le besoin d’aide financière pour faire les courses. Vous l’aurez compris, sans cette analyse multidimensionnelle, sans le guichet intégré et sans une bonne connaissance réciproque des partenaires du territoire, on risque de répondre partiellement aux besoins de la personne.

Enfin, comme tous les pilotes MAIA, je suis également responsable d’une équipe de gestionnaires de cas. Ces professionnels constituent certes une ressource supplémentaire pour accompagner les situations dites les plus complexes, mais surtout ils observent les dysfonctionnements du territoire et en informent le pilote. Le pilote les analyse avec les partenaires et tous travaillent aux actions correctives nécessaires : par exemple, l’organisation avec le CLIC du territoire d’une information collective aux partenaires sur « le signalement au Procureur, pour qui, quand et par qui ? » face au constat de démarches trop tardives ou non faites dans des situations d’abus ou de risque d’abus.

Comment la CNSA vous accompagne-t-elle dans vos missions ?

Au quotidien, le soutien de la CNSA au déploiement de MAIA se matérialise par l’outillage des pilotes et des gestionnaires de cas. Récemment, elle a conduit les travaux qui ont abouti au choix de l’outil d’évaluation multidimensionnelle, le interRAI-Home Care (HC).

Grâce à la CNSA, le collectif de pilotes est associé aux comités de pilotage nationaux des différents projets qui concernent le parcours des personnes âgées et de fait l’intégration des services d’aide et de soins, comme en ce moment sur les plateformes territoriales d’appui. La CNSA est vigilante à ce que les dispositifs déployés pour faciliter les parcours des personnes âgées soient cohérents, et notamment avec la vision de l’intégration que porte la méthode MAIA.

Enfin, la CNSA s’attache à ce que la politique d’intégration et donc MAIA figurent bien dans les programmations des agences régionales de santé, nos interlocuteurs quotidiens.

Quels sont les enjeux ou projets importants du moment ?

À l’échelle du territoire Paris Sud, l’enjeu est la mise en place d’un guichet intégré efficient. Cela signifie former tous les professionnels auxquels les personnes âgées s’adressent aux outils MAIA et aux ressources du territoire. C’est très ambitieux !

Au niveau national, il s’agit d’intégrer le cadre de travail proposé par MAIA dans les changements en cours. De nombreux projets convergent vers l’intégration des services, j’ai cité les plateformes territoriales d’appui, les CTA. Ces briques doivent s’assembler de façon cohérente. Dans certains territoires, des CLIC disparaissent. Comment compenser l’absence a priori indispensable d’un CLIC, par exemple ? Enfin, les acteurs d’un territoire doivent aussi prendre le virage ambulatoire. Notre système n’a pas été pensé pour la « deshospitalisation », il va falloir travailler dans les territoires avec les partenaires pour prendre ce virage, adopter une nouvelle culture.

Quel regard le collectif des pilotes porte-t-il sur l’évaluation des dispositifs MAIA récemment réalisée ?

Nous avons apprécié que cette évaluation ne se résume pas à mesurer la plus-value de MAIA, puisque les derniers dispositifs se déploient depuis 2016, mais qu’elle détermine les conditions de la bonne mise en œuvre d’une politique publique d’intégration des services d’aide et de soins. Si le cahier des charges MAIA est unique, les territoires et les conditions sur lesquels la méthode se déploie sont tous différents. Comment concilier cela ? C’était l’enjeu de l’évaluation.
Tous les partenaires engagés dans ces processus ont pu s’exprimer : libéraux, usagers, services à domicile, ARS, conseils départementaux… MAIA ce n’est pas que l’affaire d’un pilote, mais dépend d’une coopération entre partenaires.
Nous sommes très satisfaits que l’évaluation ait repositionné la méthode MAIA comme assemblier de différentes briques de l’intégration. C’est un message fort, qui nous conforte dans notre rôle d’animateur territorial.

 

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