L'accès aux soins des personnes en situation de handicap. Trois questions à Pascal Jacob

Publié le : 14 juin 2016-Mis à jour le : 24 juillet 2017

« L’accès aux soins, c’est l’accès à l’autonomie, à la dignité, au vivre-ensemble, à la liberté ». Tel est le leitmotiv de Pascal Jacob, président de l’association Handidactique et instigateur de la charte « Unis pour l’accès à la santé des personnes en situation de handicap », qui porte le nom de son fils. Initiée à la Réunion en juin 2014, elle devrait être signée dans toutes les régions de métropole et d’Outre-mer d’ici l’automne.

La charte a été signée au niveau national en décembre 2014. Depuis, la mobilisation se poursuit au niveau régional, les Pays de la Loire s’étant engagés le 2 juin. Quelles évolutions avez-vous constaté dans l’accès aux soins des personnes handicapées ?

La charte est une partition commune de l’ensemble des acteurs du soin et de l’accompagnement, elle les invite à travailler ensemble. Alors que j’étais à la Réunion pour le tournage d’un film, nous avons eu l’idée avec l’ARS [agence régionale de santé] de réunir tous les acteurs locaux. Nous avons alors posé le constat suivant : l’accès aux soins pouvait être réglé par tous en même temps. Ils ne se connaissaient pas, n’avaient pas l’habitude de travailler ensemble, ne se comprenaient pas. Personne ne parlait le même langage, et je leur ai proposé d’écrire une partition commune. C’est devenu la charte. La ministre Marisol Touraine m’a proposé de lui donner le nom de Romain Jacob, mon fils décédé 13 jours avant la première signature.

La charte a déjà été signée par environ 2500 acteurs. Les acteurs ont pris conscience que leur travail est un maillon d’une chaine de compétences. Les gens compétents dans le monde du handicap ont eu envie d’aider ceux qui ne l’étaient pas, parce que la charte les a valorisés.  

Depuis, j’observe plusieurs progrès : les professionnels sont sensibilisés, les personnes handicapées osent demander à bénéficier des engagements inscrits dans la charte (il faut dire qu’elle a été traduite en facile à lire et à comprendre). Des « points progrès » [des autocollants] sont apposés là où les professionnels se mobilisent pour que leurs efforts soient visibles, lisibles et compréhensibles. Par exemple, le nombre de journées d’hospitalisation pour des soins dentaires est en baisse, des salles d’attente spécifiques sont mises à disposition des personnes handicapées lorsqu’elles arrivent aux urgences. L’enquête en ligne Handifaction permet d’observer en temps direct le niveau de satisfaction dans l’accès aux soins.

Quelles sont les attentes des personnes handicapées pour accéder aux soins ?

Les demandes des personnes en situation de handicap et de leur famille sont plurielles : diminution du temps d’attente, acceptation de leur accompagnant sans qu’il se substitue à elles dans l’échange avec le médecin, coordination des prises en charge. Elles sont parties prenantes et actrices de leur prise en charge. Surtout, elles demandent à ne pas être soignées trop tard.

Nous devons encore progresser pour les corps qui ne parlent pas. L’acteur de soins est extrêmement démuni lorsque la personne ne sait pas qu’elle a mal ou ne sait pas le dire.

Votre mobilisation pour rendre possible l’intervention de services d’hospitalisation à domicile (HAD) en établissement avec hébergement pour personnes handicapées a conduit à la publication d’un décret en septembre 2012. Quelle est votre perception de la situation aujourd’hui ?

L’HAD est l’une des meilleures solutions pour éviter la rupture de l’accompagnement et apporter une réponse efficace aux soins. Le problème est que l’on n’a pas formé les médecins pour qu’ils orientent vers l’HAD. Il faut encore les convaincre, communiquer, et c’est ce que nous faisons avec la FEHAP et la FNEHAD.

Si nous voulons progresser plus vite, il faut installer le soin dans le droit commun, certifier les lieux de soins de droit commun dans leur conformité d’action, former les professionnels à soigner toutes les populations, qu’ils sont par ailleurs obligés de soigner.

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