Entretien avec Annie Coletta, présidente de l'association des directeurs de MDPH

Publié le : 04 janvier 2017-Mis à jour le : 10 janvier 2017

Annie Coletta, présidente de l’association des directeurs de maisons départementales des personnes handicapées, détaille les priorités de l’association pour l’année 2017.

Vous êtes présidente de l’association des directeurs de MDPH depuis juillet 2016, quels sont vos premiers constats sur le réseau des MDPH ?

Depuis la création de l’association, j’œuvre au sein de son conseil d’administration, tout d’abord en qualité de trésorière puis de vice-présidente. Aussi je dispose d’une connaissance fine et historique du réseau des MDPH et j’ai ainsi pu suivre tous les réflexions et travaux menés.
Notre réseau a progressivement évolué depuis sa création. Ses précédents présidents ont su, sans compromis, faire en sorte que l’ADMDPH poursuive son chemin contre vents et marées et devienne, je n’ai pas peur de le dire, un acteur incontournable du débat public en matière de handicap. Je m’inscris résolument dans cette continuité. Nous avons actuellement 93 adhérents représentant 78 MDPH, témoignant ainsi du dynamisme de cette « petite » association professionnelle.

Quelle feuille de route vous êtes-vous fixée en tant que présidente ? Quelles sont les priorités de l’association pour l’année 2017 ?

Créée il y a bientôt 10 ans, notre association va poursuivre ses travaux dans le respect des deux piliers qui donnent du sens à son action : l’esprit de la loi du 11 février 2005 et les objectifs fixés par ses statuts. Cette année encore, et pour 2017, je m’inscris complètement dans la démarche engagée par notre ancien président Igor Dupin…, en poursuivant la contribution technique de l’ADMDPH aux débats publics sans jamais interférer avec le champ politique, quand bien même nous sommes au quotidien au contact du politique local et national. Cette posture éthique garantit la cohérence et la pertinence de notre action. C’est à ce prix que notre démarche demeure une action collective à laquelle nos collègues qui nous rejoignent — se reconnaissent et se retrouvent dans nos travaux.

Par ailleurs, cette attention particulière portée aux nouveaux collègues reste également une constante. Nous leur présentons dans le cadre de notre réseau des réponses à leurs préoccupations, qu’elles soient de portée stratégique ou plus opérationnelle. En effet, l’opérationnel nourrit la stratégie et notre force a toujours été, et doit rester, de savoir combiner ces deux dimensions. Notre association doit constituer pour eux, un point d’appui, conciliant avec la même acuité, les préoccupations du quotidien et les enjeux à venir.

Nous avons coutume de dire que les MDPH sont des laboratoires d’innovation en perpétuelle évolution. En effet, depuis 10 ans, ces organisations n’ont cessé de co-construire avec leurs partenaires, d’ajuster leurs processus de travail et de s’adapter au rythme incessant des réformes nationales. Ces évolutions vont encore s’accélérer en 2017, car des réformes structurantes, de grande ampleur, sont à mettre en œuvre dans un temps très contraint alors que le nombre de demandes déposées auprès des MDPH ne cesse de croître. En 2015, c’est 4,25 millions de demandes qui ont été adressées aux MDPH (évolution : +8 %). En 2017, la charge de travail va donc encore s’alourdir et les attentes légitimes de nos usagers, mais aussi de nos partenaires, seront toujours aussi pressantes, au regard des évolutions législatives et réglementaires en cours et à venir.

Les MDPH, probablement plus que jamais, sont confrontées à (ce que j’appellerais) une tension (dialectique) entre ce qu’on attend d’elles et ce qu’elles peuvent produire, entre la faiblesse de leurs moyens et les ressources qu’elles pourraient redéployer selon les prestations qu’elles auraient à rendre : celles qui nécessitent des moyens faibles (en termes de compétences à réunir), mais qui constituent un fort volume d’activité et celles qui nécessitent de forts moyens, mais qui sont moins nombreuses.

Dans ce cadre, les priorités de l’association en 2017 peuvent être déclinées comme suit :  

En premier lieu, les MDPH doivent pouvoir recentrer leur activité sur les tâches à réelle valeur ajoutée pour les usagers et sur l’accompagnement des personnes handicapées. Les travaux engagés sur leurs outils et leurs missions (l’évolution du formulaire de demandes et du certificat médical, la mise en place d’un service en ligne lié au projet IMPACT, l’amélioration de la qualité de service, le référentiel de missions et la démarche d’autodiagnostic, le renouvellement des conventions, les travaux portant sur le système d’information) doivent être considérés comme autant d’opportunités qui pourraient contribuer à cet objectif et générer des gains d’efficacité…

Ce faisant, et là se trouve la difficulté, le temps des « chantiers » va générer un temps de suractivité pour les agents des MDPH et, il est à craindre probablement une dégradation provisoire de la qualité de nos prestations, notamment en termes de délais de réponse et de disponibilité des agents. En tout état de cause, l’ADMDPH veillera à ce que le résultat ne soit pas une complexification accrue et qu’il ne débouche pas sur une modélisation sclérosante…

En second lieu, les MDPH doivent pouvoir dégager des ressources à défaut d’en obtenir de nouvelles, dans le contexte que nous connaissons tous de réduction des dépenses publiques…
Pour illustrer, je citerai la carte mobilité inclusion (CMI) qui constitue le moyen d’externaliser certaines tâches administratives, tout en sécurisant un droit. Cette mise en œuvre, qui va constituer un gain non négligeable pour les MDPH va toutefois les « occuper » pendant probablement tout le 1er semestre 2017, avec les conseils départementaux et l’Imprimerie nationale.

L’ADMDPH reste attentive à la question des mesures de simplification qui est un vecteur essentiel, pour autant que l’on ne se limite pas à des mesures cosmétiques de simple adaptation… Si aujourd’hui, le bilan des actions engagées reste encore mitigé, nous persistons à croire que le dossier « simplification » porté par madame Ségolène Neuville est riche d’espoir… tant pour les MDPH que pour les personnes handicapées.

Dernier avatar, témoignant de cette tension à laquelle sont soumises les MDPH, et sur lequel l’ADMDPH sera particulièrement vigilante : la démarche « réponse accompagnée pour tous ». Les MDPH vont devoir trouver des ressources nouvelles, tant en interne qu’en externe, pour co-porter et co-construire ce dispositif innovant, et ce dans un délai très contraint, en sus des missions précédemment dévolues. Le déploiement de ce dispositif « sur mesure » est porteur d’une dynamique importante et laisse augurer de nouvelles perspectives pour de nombreuses personnes handicapées ; les MDPH ne peuvent qu’adhérer à la philosophie d’un tel projet. Toutefois, subsiste la crainte de ne pas pouvoir faire face aux très nombreuses sollicitations qui ne manqueront pas d’arriver début 2018, dès l’élargissement du périmètre à toutes les situations, alors que les différents acteurs auront besoin de temps pour assimiler et s’approprier cette nouvelle démarche et que les outils et procédures ne seront probablement pas encore finalisés.

Le programme de travail des MDPH est ainsi très dense pour 2017, peut-être l’est-il un peu trop ?... Pour autant, L’ADMDPH va continuer sans relâche son accompagnement et apporter sa contribution qu’elle veut la plus opportune et la plus pertinente.

La MDPH du Calvados, que vous dirigez, participe volontiers aux groupes de travail conduits par la CNSA ou aux expérimentations nationales. Pourquoi ce choix ? Quel regard portez-vous sur l’appui de la CNSA au réseau des MDPH ?

En effet, depuis la création de la MDPH, je collabore volontiers aux différents travaux conduits par la CNSA. J’ai un attachement tout particulier à la philosophie impulsée par les premiers président et directeur de la CNSA, et plus précisément pour la dynamique engagée par cet organisme hybride qui s’attache avant tout à co-construire avec les acteurs des territoires. Au cours des années, dans le respect de l’identité de chacun, la CNSA a su moderniser sa façon d’animer le réseau des MDPH, en maintenant toujours un espace de dialogue et d’expression pour les MDPH, dont celle du Calvados. Ce que je trouve particulièrement positif, c’est que la CNSA, tout à la fois, conseil, soutien et référence, s’attache à favoriser les expérimentations afin d’en capitaliser les plus-values.

C’est ainsi que la MDPH du Calvados a pu être accompagnée, notamment, ces deux dernières années dans le projet de modernisation de l’action IMPACT. Cette expérimentation a favorisé de riches moments d’échanges et un travail partenarial entre les professionnels de la MDPH et les partenaires associatifs, les usagers, les partenaires, les institutions du département et la CNSA. Ces temps, encore trop rares permettent de construire une culture commune. Ces temps d’expérimentation viennent rompre la logique encore trop présente d’imposer des pratiques non expérimentées, pas toujours appropriées par les grands décideurs politiques. Dans le cadre des expérimentations, ce sont les acteurs de terrain qui créent des solutions pour répondre à des besoins identifiés.

Actuellement encore, la CNSA nous accompagne dans les grands chantiers structurants devant être déployés en 2017, par exemple en produisant un guide d’accompagnement pour la mise en place de la carte mobilité inclusion, ou encore en écoutant et en étayant les MDPH sur l’élaboration de la démarche « réponse accompagnée pour tous ».

 

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